« Il nous faut réconcilier le salarié avec son entreprise, et renforcer la co-construction des parcours de formation. Nous proposons à ce sujet de mettre en place un crédit d’impôt de 30 % du montant des abondements pour les entreprises de 50 à 300 salariés. «
« C’est vital pour permettre aux entreprises de lutter contre l’obsolescence des compétences, et c’est une solution pour compenser en partie l’impasse financière de la suppression de la mutualisation. Nous proposons aussi que les abondements des entreprises puissent permettre le financement de formations non certifiantes qui correspondent à leurs besoins. On pourrait également permettre aux salariés d’utiliser leurs CET pour se former, avec toujours avec une logique d’abondement de l’entreprise », déclare Claire Pascal, vice-présidente de la FFP et directrice générale de Comundi, lors de la table-ronde « Réforme de la formation professionnelle : le big bang a-t-il eu lieu ? » organisée par l’Ajis le 13/12/2021 à Paris.
« Notre inquiétude chez FO concerne le CPF. Il nous faut revenir à un CPF professionnalisant qui fasse de la formation professionnelle continue. Le CPF doit être centré sur les qualifications et non les compétences, car c’est à partir de la qualification qu’est défini le niveau de salaire dans les classifications des conventions collectives. J’ajoute sur ce sujet que les blocs de compétences doivent s’inscrire dans un parcours qui permet l’obtention d’un diplôme. C’est encore aujourd’hui le diplôme qui renvoie à la qualification et qui définit le niveau de classification », indique Michel Beaugas, secrétaire confédéral de FO et négociateur spécialisé sur les questions de formation.
« Le financement de la formation dans les TPE-PME est notre sujet majeur de préoccupation sur la formation. Nous avions, avant la réforme, gardé des fonds pour encourager l’accompagnement des PME sur la transformation des compétences. Ces sommes ont été balayées avec le modèle financier de France compétences. Il manque aujourd’hui des ressources pour accompagner les TPE-PME dans la transformation de leurs compétences. Les Opco ne sont pas saisies de ce sujet aussi vite que nous l’espérions, mais i faut reconnaitre qu’ils on dû changer de gouvernance, de modèle économique et de métier en très peu de temps », ajoute François Falise, conseiller technique formation pour la CPME.
Le bilan de la réforme de la formation professionnelle 2018
« La suppression de la mutualisation a impacté le financement de la formation dans les entreprises de 50 à 300 salariés » (C. Pascal, FFP)
« La réforme de la formation professionnelle est dans la continuité de la réforme précédente. Je pense particulièrement à la suppression de la mutualisation, qui a impacté le financement de la formation dans les entreprises de 50 à 300 salariés, qui sont pourtant le cœur de notre économie. Le mérite de cette réforme, c’est d’avoir donné plus d’autonomie aux actifs dans leurs choix de formation, avec le CPF, mais avec des limites, notamment l’inexistence de CPF pour les salariés du secteur public. »
« J’ajoute que nous sommes très préoccupés par le sujet sur l’enregistrement au RS des certifications par France compétences. À date, 80 % des dossiers déposés ont été rejetés. »
« C’est ainsi une grande partie de l’offre de certification qui est mise à mal, puisqu’on coupe l’offre de formation pour faire des économies sur le CPF. Les entreprises de formation n’obtiennent aucune explication sur ces rejets, et l’opacité des critères de sélection est totale du côté de France compétences.
« L’autre sujet qui nous interpelle, c’est le défici abyssal de France compétences, qui a atteint les 4 Md€. » |
L’autre sujet qui nous interpelle, c’est le déficit abyssal de France compétences, qui a atteint les 4 Md€. Nous devons tous nous interroger sur le dispositif global du financement de la formation professionnelle. Il repose beaucoup trop sur les entreprises qui payent deux fois plus chers la formation des salariés qu’avant la réforme. J’ajoute que nous devons raisonner de plus en plus en termes d’écosystèmes dans l’acquisition de compétences, et à ce titre renforcer la formation des indépendants qui gravitent autour des entreprises. »
« La grosse problématique de la réforme de 2018 et de la mise en place du CPF : la baisse des droits formation des salariés » (M. Beaugas, FO)
« La grosse problématique de la réforme de 2018 et de la mise en place du CPF, c’est la baisse des droits formation des salariés. L’ANI formation de 2014 prévoyait 35 heures annuelles de droit à la formation pour les salariés, et nous nous retrouvons avec la monétisation du CPF à 500 € annuels qui ne permettent absolument pas de financer une formation certifiante. Selon les chiffres de la Dares, le montant moyen des CPF permet le financement de 40 heures de formation, contre 140 heures avant la réforme. Cela illustre la coup d’arrêt qui a été donné à la formation professionnelle, qui est tombée dans l’ère du consumérisme. Cette loi est un vrai recul.
Il nous faut aussi évoquer la question épineuse du financement de la formation, or le calendrier qui nous a été transmis par le Gouvernement évoque des réunions sur le sujet à partir de juin 2022. C’est beaucoup trop tard compte tenu de la priorité que constitue la question du financement de la formation. »
« Deux éléments très importants de la réforme n’ont pas encore pris toute leur ampleur : le découpage des certifications en blocs de compétences et la redéfinition de l’action de formation » (F. Falise, CPME)
« Aucune réforme n’avait transformé le système de formation professionnelle comme celle de 2018 : monétisation du CPF, développement de l’apprentissage, transformation de la gouvernance du système avec la création de France compétences, libéralisation de l’accès à la formation. Deux éléments très importants de la réforme n’ont pas encore pris toute leur ampleur :
- La remise à plat de la politique de certification avec le découpage des certifications en blocs de compétences : nous ne sommes qu’au début de la mise en œuvre car les certificateurs ont jusqu’à 2022 pour découper leurs certifications. L’offre de formation certifiante n’est pas encore organisée en blocs de compétences. Cela doit évoluer pour favoriser les parcours professionnels des actifs ;
- La redéfinition de l’action de formation que la réforme décrit comme un processus pédagogique au bout duquel les compétences acquises sont évaluées. On ne parle donc plus d’heures de formation mais de compétences acquises, or l’offre reste encore standard dans son organisation, et les OF doivent développer de nouvelles modalités pédagogiques. »
L’alternance et la régulation des coûts contrat
« Donner plus de liberté aux branches dans la définition des coûts contrat » (F. Falise, CPME)
« Il y a un sujet sur la définition des coûts contrat et sur l’identification dans chaque branche des qualifications prioritaires vers lesquelles doivent être orientés les financements. Nous ne sommes pas opposés à ce que France compétences donne des tendances, mais nous souhaitons que les partenaires sociaux au sein des branches aient la liberté de faire des propositions.
Il y a aussi un sujet sur l’écart d’accompagnement entre les CFA privés et ceux qui bénéficient de fonds publics. Il avait été question de minorer les coûts contrat des CFA bénéficiant de financements publics, mais pour des raisons politiques et techniques, cette disposition n’avait pas été mise en œuvre. Nous le regrettons car cela aurait pu faciliter une concurrence saine et équitable entre CFA. »
« L’entreprise doit beaucoup plus contribuer au financement de l’apprentissage » (M. Beaugas, CPME)
« Les coûts contrat doivent permettre de financer les formations des alternants, mais aussi de faire vivre les CFA : investissements pédagogiques, bâtiments, équipes d’encadrement. France compétences fait un gros travail sur le sujet, et le niveau des coûts contrat, qui varie entre 6.000 et 8.000 €, me semble raisonnable pour permettre de financer convenablement les CFA. Le problème, c’est que l’augmentation constate des contrats d’alternance pose le problème du financement de la croissance exponentielle de l’alternance. »
L’entreprise doit beaucoup plus contribuer au financement de l’apprentissage, car c’est in fine les entreprises qui bénéficient des compétences et de la forte employabilité des apprentis. Il faut une répartition juste et équilibrée des financements, et les entreprises doivent prendre toute leur part.
« Considérer des indicateurs de qualité comme le taux d’insertion dans l’emploi dans la définition des coûts contrat » (C. Pascal, FFP)
« Le financement de l’apprentissage repose beaucoup trop sur les entreprises. Lorsqu’une entreprise embauche un apprenti, ce dernier n’est pas immédiatement productif, et sa montée en compétences nécessite du temps et des investissements managériaux. J’ajoute que l’apprenti, une fois sa formation terminée, a la possibilité de partir dans une autre entreprise. L’État et les Régions doivent donc prendre aussi leur part.
L’alternance est dopée par le dispositif d’incitation à l’embauche versée aux entreprises. Ce dispositif a été prolongé jusqu’en juin 2022, mais nous n’avons pas de visibilité sur la suite. Il doit être pérennisé pour que les entreprises continuent à embaucher des apprentis.
Concernant la régulation des coûts contrat, il me semble important de considérer des indicateurs qualité comme le taux d’insertion dans l’emploi, pour flécher un maximum de financements vers les compétences les plus demandées par les entreprises, ce qui renforcera de fait l’insertion professionnelle des jeunes apprentis. »